Le 19 janvier Sacha Goldberger postait sur Instagram cette image parmi d’autres de sa grand-mère adorée : The Mamika, avec en légende 💥Fucking 100 years💥❤️💥300 letters to read💥. Mamika dont il a fait une icône pop. C’est en 2005, que Sacha Goldberger, talentueux photographe commence à prendre sa grand-mère en photo.“J’étais très inquiet de sa disparition… Je me demandais à qui j’allais pouvoir parler d’elle, qui se souviendrait d’elle ? Alors j’ai décidé de l’associer à mon travail.” Sacha la met en scène dans une série de portraits déjantés. C’est ainsi que le personnage de Mamika voit le jour. Le succès est immédiat, des milliers de fans dont moi.  Et plus de 10 000 clichés plus tard, Mamika est devenue immortelle.

Mamika  icône pop
“Mamika, mon souhait le plus cher lorsque j’ai commencé à te prendre en photo il y a dix ans, était de te rendre immortelle, de pouvoir parler de toi si un jour tu venais à disparaître. Aujourd‘hui après deux livres et de nombreuses expositions autour du monde, je ne connais pas une personne qui ne me demande de tes nouvelles avant même de me dire bonjour.” C’est sur ces mots du photographe Sacha Goldberger adressé à sa Mamika (“ma petite mamie”, en hongrois) que s’ouvre Mamika The Best sorti aux éditions Fleuve en 2015. 

Qui est Mamika ?
Née en 1919 au sein d’une famille juive ashkénaze fortunée, la baronne Frederika Godberger est la fille d’un industriel juif hongrois qui a refusé de renvoyer les Juifs de son usine, de porter l’étoile jaune. Et qui est mort au camp de concentration de Mauthausen. Dans un Budapest en guerre, Frederika cache sa mère, sa fille, sauve une dizaine de personnes. Après les nazis, les Russes. Frederika qui a remonté l’usine de son père est prévenue à temps, en 1948, qu’elle risque d’être envoyée au goulag. Elle fuit à pied, avec ses deux filles, dont la mère de Sacha qui n’a alors qu’un an. Passe en Suisse, se réfugie en France. Pour vivre, elle décide de travailler dans le textile, où elle est chasseuse de tendances pour les grands du tissu. Métier auquel elle s’est résolue à renoncer à 83 ans. Avant d’entamer cette nouvelle carrière d’égérie de son photographe de petits-fils.

2006 Mamika Super Héros
L’histoire des super-héros a pourtant plusieurs origines. La première vient des juifs d’Europe centrale qui ont créé les super-héros juste avant la Deuxième Guerre Mondiale pour donner du courage aux troupes. “Ça me semblait logique que je continue ça en disant, même vieux, on peut être des super héros. Superman, Batman, Captain America. Il était assez logique qu’à un moment donné, je retourne aux sources et me demande : maintenant qu’ils sont vieux, que font ces super héros ? Je trouvais ça amusant cette forme de dérision” explique Sacha.

Hommage à toute une génération, une leçon de rire sur la vieillesse
“Lorsque l’on vieillit on a besoin de lumière, d’être dans la lumière. C’est symbolique. Quand on passe un certain âge, on est dans une société où il ne fait pas bon d’être vieux, on n’a plus de travail, plus de raison d’être là. Finalement, faire des choses, que ce soit des photos ou chanter, c’est une façon d’être toujours présent, de continuer à évoluer. La chance qu’on a avec ces photos, c’est qu’elles plaisent, les gens aiment, il y a de l’enthousiasme, ça donne encore plus envie d’en faire. Bien que je ne sois pas dans une logique du : ça marche donc j’en fais. J’ai un autre projet dont ma grand-mère fera également partie mais sur trente photos il n’y en aura qu’une d’elle. Ce n’est pas grave, Mamika si tu ne fais qu’une photo sur trente ?”

“J’essaie toujours de faire passer un message”
Mamika en Superwoman, en train de planter un clou avec une éponge ou de parler à un godemiché était ma manière d’évoquer un sujet lourd avec humour. Le message est une sorte d’humour absurde. “On a décidé de mettre en scène la vieillesse avec le côté je prends un objet pour un autre. Elle s’est prise au jeu. Dans la tradition juive, on raconte souvent des blagues, et c’est un type de blague que tout le monde ne comprend pas forcément mais qui, personnellement, m’émeut et me touche beaucoup” commente Sacha. “J’essaie toujours de faire passer un message”. Mamika joue aux cartes avec une poupée gonflable… “Ce qui m’intéressait dans l’histoire ce n’était pas le côté sexuel de l’objet mais de parler de la solitude, de ce moment où l’on ne sait plus avec qui jouer aux cartes parce que les gens qu’on aime ou qui vous entoure décèdent. Il y avait un peu de provoc’  mais j’aurais pu me servir d’un  mannequin de cire.”

Mamika vit toujours chez elle. Sacha y a installé son bureau. Elle est ainsi toujours entourée. Malgré les pertes de mémoire résultant de la maladie d’Alzheimer, Mamika conserve malgré tout un solide humour juif et un fort accent d’Europe centrale.  ❤️