Je suis arrivée à Paris à l’âge de 21 ans. C’était en 1985. J’ai adoré y arpenter le bitume. J’ai été grisée par cette vivacité, cette excitation de tous les instants, cette diversité de quartiers, ce mélange d’odeurs, de couleurs, de codes. Ces gens, tant de gens, de toutes origines, de toutes catégories sociales J’ai aimé cet anonymat voire même cette indifférence qui est le chantre des vrais parisiens. J’ai aimé le métro. Comment ai-je pu l’aimer autant ? J’ai aimé cette consommation volage qui nous poussait à dépenser tout notre salaire et bien plus parfois. J’ai aimé le culte que nous vouions à la futilité et à la fête et cette musique incessante qui rythmait nos vies et nos nuits : David Bowie, Eurythmics, les Bronski Beat, Queen…

J’ai aimé ces designers innovants qui faisaient des shows surdimensionnés : les Mugler, Montana, Gaultier, AlaÏa…. J’ai aimé les mouvements underground musicaux, artistiques et culturels. Les Andy Warhrol, les Jean-Michel Basquiat, les Francis Bacon, les Lou Reed…

Paris c’était la liberté ! Les bars, les cafés, les terrasses, les jardins, les parcs, les allées sans fin.

Les années 80 c’étaient les années diva, les années rock, les années glam, les années de la folie et de la disproportion : les boites de nuit, le Palace, la Locomotive, Le Balajo… l’argent, la drogue qui circulait trop facilement, les excès, les abus. On brûlait la vie par les deux bouts.

En 1985, nous était annoncée une pandémie, le sida, qui allait venir bousculer nos habitudes et notre liberté sexuelle en emportant tant d’entre nous fauchés en pleine jeunesse.

Aujourd’hui, soit 35 ans plus tard, alors qu’aucun vaccin contre le sida n’a été découvert, la génération 80 se retrouve de nouveau à devoir faire face à une pandémie : le Covid-19.

Et pourtant, nos centres d’intérêt ont changé. Nous essayons de redonner à la nature sa place fondamentale du moins dans les pays développés. Après être passés par une période de “Kardashian-isation”, nous sommes désormais en voie de “Thunberg-isation”. Après que certains aient donné dans le “tout dans l’apparence”, nous avons, pour la plupart compris que nous étions allés trop loin dans la surconsommation, l’outrecuidance et le narcissisme.

Après l’extravagance des années 80 et l’uniformisation des choix et des comportements des années 2000 via le prisme des réseaux sociaux et du virtuel, un nouveau monde s’est imposé : la nature, le naturel, le green, le bio, l’éco-responsable. Les fringues originales et détonantes, les musiques décadentes et entêtantes, l’art underground et dégénéré ont été remplacés par la récup, le fait maison, les voyages, le zen, la méditation et le bien-être . Les vêtements sont désormais dans des tissus éco-responsables. Les contenants, bio-dégradables. L’heure est à la bienveillance (enfin, surtout dans le principe).

Mais ça n’a pas suffi. Il nous aura fallu une nouvelle pandémie pour comprendre. Mais comprendre quoi ?

Que, désormais ce n’est plus la liberté sexuelle mais la liberté d’aller et venir à notre guise qui est remise en question.

De comprendre que la boucle est bouclée. Nous avons eu 20 ans lors d’une pandémie, nous traverserons notre cinquantaine ou notre soixantaine avec une autre. Toujours avec la même sidération !

Comprendre que nous sommes entrés dans une nouvelle ère. Que désormais il va falloir vaincre cet état de sidération pour se battre, se réinventer, s’adapter, créer, concevoir, innover ! Bref, imaginer une nouvelle façon de vivre ; une nouvelle façon de respecter la nature et les éléments quitte à faire taire les mauvais penchants de la nature humaine. Il va falloir devenir humbles et se souvenir que nous ne sommes rien et que nous ne maîtrisons rien.

Alors, si cela doit être le 1er jour du reste de notre vie, autant essayer d’adopter des solutions alternatives et innovantes pour sortir de notre petit confort et nous déconfiner à la recherche d’un nouvel art de vivre qui, à n’en pas douter, sera un jour à nouveau remis en question. Rien n’est pérenne. Il faudra bien s’y habituer.

Nouvelle ère, nouveaux destins.

Et en avant l’aventure !