Cindy Sherman fascine. Et me captive. À la fois muse et modèle, sujet et photographe, maquilleuse, coiffeuse et styliste. Caméléon et illusionniste, inclassable ! Depuis près de cinquante ans, l’œuvre photographique de Cindy Sherman est consacrée à un seul thème. Obsessionnel et unique en son genre. Le portrait, le sien, l’anti-auto-portrait au travers duquel se joue à l’infini les contes de la folie ordinaire, la dénonciation des clichés féminins. Tous sont autant de pièces d’un même puzzle. Un prisme cruel autant que fascinant entre la photographie et la performance où l’artiste se métamorphose d’image en image.

Autoportraits en série

Sherman travaille en série. Se focaliser sur une thématique lui permet d’en explorer toutes les facettes. De questionner d’une manière toujours plus cinglante, irrévérencieuse et surtout infiniment variée la construction identitaire, sur la place de la femme et sur sa représentation dans la société contemporaine. Son œuvre est audacieuse, dérangeante et kitsch, parfois trash ou pornographique voire obscène, macabre ou grotesque. Interpelle le spectateur. Se joue des conventions sociales, les interrogent. Abolit les frontières entre réalité et fiction, art et culture “pop” (films, télévision, magazines, internet), gender studies et lutte des classes. Explose les cases réductrices dans lesquelles nous sommes enfermés et codifiés. Cindy Sherman bouscule tout sur son passage. Pour elle, tout est matière à réflexion.

Détourner les codes

Sur Instagram, on la découvre. En mode selfie, totallement 2.0. À 65 ans, Cindy Sherman demeure tout aussi énigmatique qu’acerbe s’appropriant avec génie les codes de l’époque pour mieux les interroger. La Fondation Louis Vuitton lui consacre une rétrospective. Cindy Sherman est un événement culturel rare, un rendez-vous qui agite les neurones et qui ne se décline pas. Depuis 2006 au Jeu de Paume, nous n’avions pas eu cette opportunité. Une exposition de l’envergure de celle du MoMA en 2012 à New York. Aller voir Cindy Sherman, c’est entrevoir toutes les possibilités de soi-même, à travers un prisme rugueux autant que fascinant.

La rétrospective

La rétrospective Cindy Sherman à la Fondation Louis Vuitton réunit 170 œuvres de l’artiste – de 1975 à 2020 – soit plus de 300 images articulées par séries parmi lesquelles Untitled film stills, Rear Screen Projections, Fashion, History Portraits, Disasters, Headshots, Clowns, Society Portraits, Murals, Flappers. Une exposition événement – la première de cette envergure en France depuis 14 ans.  Une série nouvelle présentant des figures masculines et des couples sera particulièrement à découvrir. Dans une scénographie conçue en étroite collaboration avec Cindy Sherman, cette présentation embrasse l’ensemble de sa carrière, tout en mettant l’accent sur ses travaux réalisés depuis le début des années 2010 jusqu’à un ensemble d’œuvres très récentes et inédites.

En parallèle, la Fondation accueille Cindy Sherman en tant que curatrice, dans l’exposition Crossing Views centrée sur le thème du portrait et accueillant une vingtaine d’artistes français et internationaux, de générations et d’horizons très différents, autour d’une soixantaine d’œuvres, dont la plupart n’ont encore jamais été montrées à la Fondation.

Cindy Sherman à la Fondation Louis Vuitton
Du 23 septembre 2020 au 3 janvier 2021

Photo d’ouverture Untitled #92 by Cindy Sherman, 1981.