Il aurait développé son obsession pour la cambrure insolente dès l’âge de 12 ans, en observant un panneau interdisant le port du talon aiguille sur les parquets de l’ex-musée des Arts africains et océaniens. Aujourd’hui Palais de la Porte Dorée, ce même musée nous invite à plonger dans l’univers foisonnant du chausseur au travers d’une exposition dédiée à son imaginaire : L’Exhibition[niste]. Divisé en une dizaine de chapitres, le parcours de l’exposition couvre près de trente ans de création de Christian Louboutin et met en avant les différentes sources d’inspirations et procédés créatifs qui composent la démarche du créateur. À ne manquer sous aucun prétexte.

Talent aiguille

Né en 1964, le designer fétichiste du talon de 12 – voire de 16 centimètres sur escarpins plate-forme ! – aurait développé son obsession pour la cambrure insolente dès l’âge de 12 ans, en observant un panneau interdisant le port du talon aiguille sur les parquets de l’ex-musée des Arts africains et océaniens. Cette chaussure noire barrée de rouge serait son déclic initial… qui par la suite inspira l’iconique soulier Pigalle réinventé au fil des saisons.

Panneau de signalétique à l’origine de la vocation de Christian Louboutin © Christian Louboutin

 

Soulier Maquereau © Credit Guillaume Fandel

Palais de la Porte Dorée

Le choix du lieu n’est pas anodin. Son histoire avec le monument est autant artistique qu’affective . “Enfant du 12e arrondissement, j’ai depuis toujours entretenu un lien intime et privilégié avec le Palais de la Porte Dorée. Ce lieu unique a inspiré mon univers créatif par son décor, son mobilier, ses bas-reliefs, ses mosaïques, mais aussi par ses incroyables aquariums. Aujourd’hui, le Palais est à l’image des valeurs auxquelles je suis attaché : la diversité, la transmission et l’ouverture au monde… Je suis très heureux que le Palais de la Porte Dorée ait entamé cet ambitieux projet de restauration pour mieux faire connaitre son histoire et son architecture au public.”

Les années Palace

Le Palace, ses fêtes, l’insouciance du disco avant l’arrivée du sida, les rencontres improbables au cœur de la nuit que ce haut lieu permettait en favorisant un brassage des classes sociales, tranches d’âge et sexualités. Quartier général des branchés, intellectuels, bourgeois et artistes underground, le Palace comptait parmi ses habitués le philosophe Roland Barthes, Jack Lang, Mick Jagger, Andy Warhol, Paloma Picasso, Andrée Putmann, Yves Saint Laurent, Kenzo Takada, Karl Lagerfeld qui y organisent des fêtes grand siècle avec invités poudrés arrivant en gondoles à porteur sur le boulevard Montmartre.

Farida Khelfa et Christian Louboutin au Palace, en 1978. © Patrick SICCOLI/SIPA

 

L’autodidacte

Adolescent, il débute comme stagiaire aux Folies Bergères et ensuite chez Charles Jourdan qui fabriquait à l’époque les souliers de la Maison Christian Dior. Il devient ensuite l’assistant personnel de l’illustre créateur de chaussures Roger Vivier, sculpteur de formation, qui lui enseigne l’importance de la ligne juste et d’un savoir-faire d’exception. Sa collaboration avec Roger Vivier terminée, et après un temps consacré au paysagisme, il provoque sa chance, inaugurant simultanément sa première boutique de souliers, dans le 1er arrondissement de Paris, et la Maison qui porte son nom, fin 1991.

L’iconique semelle rouge

Dans la magnifique monographie qu’Éric Reinhardt lui a consacrée en 2011, Christian Louboutin raconte : “J’avais fait tous les dessins en couleurs. La plupart du temps, on constate une déperdition importante entre le dessin et la réalisation finale. Les talons ne sont jamais aussi fins, les lignes ne sont jamais aussi cambrées, à cause des contraintes techniques. Or, pour les “Pensées”, quand le premier soulier est sorti, un modèle en crêpe rose, j’ai constaté qu’il ne pouvait pas être plus proche du dessin. Pourtant, quelque chose n’allait pas. Il m’a fallu quelque temps pour comprendre : c’est parce que la semelle était noire. J’ai arraché des mains de Sarah, mon assistante de l’époque, son vernis à ongles, et coloré la semelle en rouge : grâce à la couleur, qui a agi comme un révélateur, le dessin est complètement réapparu.” 

Série des “Pensées”(Automne/hiver 1993-1994) © Christian Louboutin

Le décolleté Louboutin

Outre la semelle rouge, une signature qu’il ira même jusqu’à défendre en 2011 devant les tribunaux américains pour contester l’utilisation du rouge qu’avait alors faite Yves Saint Laurent sur les semelles d’une collection destinée aux États-Unis, l’escarpin Louboutin est décolleté et montre la naissance des orteils. So sexy !

Christian Louboutin en 2008 à New York au côté de Dita von Teese et Scarlett Johansson. © Richard Young / Rex-Features

Nous en sommes folles

Uma Thurman, Nicole Kidman, Diane Von Furstenberg, Tina Turner, Rihanna, Kate Moss, Kristin Scott Thomas, Fanny Ardant, Monica Bellucci, Oprah Winfrey, Angelina Jolie, Gwyneth Paltrow, Rihanna, la princesse Olga de Grèce, Christina Aguilera, Renée Zellweger, Blake Lively, Farida Khelfa, Bella Hadid… Arielle Dombasle et Dita Von Teese, qu’il a toutes deux chaussées au Crazy Horse… Lauren Weisberger, auteur du Diable s’habille en Prada… Jennifer Lopez en fait une chanson… la romancière Danielle Steel se targue d’en avoir 6’000 paires dans son dressing… Areta Franklin enterrée en Louboutin rouge… Vous, moi ! Nous les fashionistas. Nous en sommes folles ! En Louboutin, on a de l’allure. Tout simplement.

Les hommes aussi

Depuis 2011, ils partagent ce privilège avec les femmes. “La collection pour les hommes est née à la demande de la pop star Mika, qui voulait que je lui dessine ses souliers de scène. Il m’a dit : “Quand je vois l’état d’excitation des filles devant vos chaussures, je voudrais retrouver cette hystérie sur scène et pour moi.” On ne peut rêver plus joli compliment. À présent, les hommes me disent qu’ils peuvent comprendre l’excitation que leur épouse ressent pour mes souliers.” En 2014, la Maison lance Christian Louboutin Beauté. Avec des collections florissantes de souliers et une ligne complète de sacs à main et petite maroquinerie, la maison Christian Louboutin compte désormais plus de 160 boutiques à travers le monde.

Addict aux voyages

Égypte, Bhoutan, Portugal… Insatiable voyageur, collectionneur invétéré, Christian s’entoure d’objets qui nourrissent son goût du beau et inspirent sa créativité. “Partout où je vais, il y a toujours un jardin à voir, un musée, une église, un marché, un concert, un élément d’architecture. Ma principale façon d’être inspiré est de rester ouvert d’esprit. J’essaie de regarder où les autres ne vont pas”.

Garder les semelles rouges ?

À la cordonnerie Minuit moins 7, à Paris. Ils ont tout pour préserver les semelles rouges et ressemeler les souliers Louboutin.

Christian Louboutin : L’Exhibition[niste]
Un un parcours pensé par Olivier Gabet, commissaire de l’exposition et directeur du Musée des Arts décoratifs
Du 26 février au 26 juillet 2020
Palais de la Porte Dorée
293 avenue Daumesnil – 75012 Paris