Née à Bonifacio, Marie-José Nat, beauté délicate, aux yeux aussi noirs que sa chevelure, qui aimait à se qualifier de “chèvre corse” voulait à tout prix être comédienne. Actrice iconique des années 60 et 70, elle a tourné pour les plus grands et donné la réplique aux meilleurs. Après de longues années passées sur le continent, c’est à Bonifacio, dans cette maison classée parmi les demeures les plus exceptionnelles au monde qu’elle avait fait le choix de s’installer. Disparue en octobre 2019, elle laisse derrière elle le souvenir d’une grande comédienne et d’une femme libre. Son fils, Aurélien Drach, lui rend un vibrant hommage au travers d’un documentaire Le palazzino de Marie-José Nat à Bonifacio. Nous l’avons rencontré.

“Après de longues années passées sur le continent, c’est à Bonifacio, dans cette maison classée parmi les demeures les plus exceptionnelles au monde qu’elle avait fait le choix de s’installer.”

Quelle a été la genèse de ce documentaire ?

Le producteur de cette collection qui connaissait maman, sa carrière et cette maison mythique à flanc de falaise, à Bonifacio, m’a contacté pour réaliser ce documentaire. J’ai immédiatement été séduit par le projet. La première idée qui m’est venue a été de me concentrer sur tous ses engagements, son sens aigu de la justice et sa discrétion. J’ai voulu lui rendre cet hommage.

Comment avez-vous procédé ?

J’ai regardé tout ce qui la concernait à l’INA. Cela a été très émouvant de revoir toute sa vie, jeune, belle et heureuse. J’ai vu des choses que je ne connaissais pas, dont j’avais entendu parler, par elle ou d’autres personnes. Ses premiers spectacles à l’époque sur l’ORTF, filmés en direct et sans rediffusion à l’époque, les interviews qu’elle avait données… c’est l’histoire d’un homme de quarante ans qui découvre la vie d’une femme, je ne regardais plus avec le regard de l’enfant, mais en tant que réalisateur qui parcourt la vie d’une artiste. Son travail, son goût affirmé de la liberté, la densité des choses auxquelles elle croyait. Comme elle le disait “quand on joue, c’est avec ses tripes”. Pour parler d’elle, j’ai sollicité des personnes qui la connaissait bien, sauf François Léotard  qui ne l’avait rencontré qu’à quelques rares occasions.

En tant que fils qu’avez-vous ressenti lors du tournage ?

J’ai bien sûr ressenti beaucoup d’émotions en tant que fils. Une émotion tout aussi palpable chez les intervenants. Ils ne me parlaient pas de ma mère, mais de la femme qu’elle a été. J’ai été frappé de l’impact qu’elle avait aux yeux du monde hors du champ de l’intime. J’ai revu mon enfance au travers du prisme des autres, car pour moi elle a toujours été une maman. Pour moi, elle exerçait ce métier comme elle aurait pu en exercer un autre, avec tout de même une certaine conscience de l’impact qu’elle avait sur les autres. Ce documentaire m’a montré à quel point elle était une femme extraordinaire.

Marie-José Nat et son mari, le réalisateur Michel Drach, au Festival de Cannes en 1971. ARCHIVES AFP

Quels sont les films que vous préférez de votre mère ?

J’ai revu l’ensemble de sa filmographie. Il y a évidemment les Violons du Bal car c’est l’histoire autobiographique de mon père, Michel Drach. Et qui lui a valu le Prix d’interprétation féminine en 1974 au Festival de Cannes. J’ai une tendresse et une nostalgie particulières pour ce film. Il y a Rue des Prairies réalisé par Denys de la Patellière. C’est le film qui a lancé sa carrière. Elle y a notamment une scène mythique avec Jean Gabin, qui joue le rôle d’un père élevant seul ses trois enfants. Il la surprend avec son amant plus âgé. Cette toute jeune femme de vingt ans tient tête à ce monstre sacré du cinéma avec une telle intensité… je me suis dit quelle actrice ! Et bien sûr Élise ou la vraie vie film de Michel Drach. Un film très engagé qui fit scandale à sa sortie en 1970 alors que la guerre d’Algérie restait un sujet tabou en France. Mais il y a tellement d’autre films ! Et pièces de théâtre.

Aurélien Drach et Marie-José Nat à Bonifacio en 2005

Que représente la Corse pour vous ?

Cela fait 40 ans que je vais en Corse et je pense que de mes deux frères, je suis le plus Corse. Ma mère m’a transmis cet amour de cette terre et de sa culture. Je me sens du même bois qu’elle ! Je me considère Corse. J’ai été très heureux de pouvoir réaliser un film dans cette collection “Une maison, un artiste” car à la fois j’ai pu rendre hommage à ma mère et à cette terre qu’elle adorait et que j’aime profondément. C’est un double cadeau.

Le palazzino de Marie-Josée Nat à Bonifacio sur France 5
Dimanche 16 août à 22h35 et samedi 22 août à 20h20

Photo d’ouverture : LMarie-José Nat assiste à la International Film-Dance 1964 au Funkturm à Berlin, juillet 1964. Getty Images