Nous avons adoré la double exposition que la Fondation Louis Vuitton consacre, en ce moment, à Egon Schiele et Jean-Michel Basquiat. Deux artistes rebelles et compulsifs, morts prématurément. Basquiat, d’overdose à 27 ans. Et Schiele, il y a tout juste un siècle, fauché par la grippe espagnole qui décime l’Europe à la fin de la Première Guerre mondiale. Il a 28 ans.

Pour Egon Schiele (1890 -1918), dont l’œuvre est indissociable de l’esprit viennois du début du XXème siècle, une exceptionnelle monographie qui réunit une centaine d’œuvres, dont beaucoup de dessins. Pour le turbulent Jean-Michel Basquiat (1960 – 1988), une  remarquable rétrospective rassemblant 120 œuvres de grandes dimensions. 

Egon Schiele et Jean-Michel Basquiat,  un choix audacieux, mais logique de La Fondation Louis Vuitton puisqu’après tout, il s’agit bien là de deux artistes,  provocateurs et torturés, morts prématurément et ayant produit un nombre d’ oeuvres considérables.

EGON SCHIELE, L’ÉCORCHÉ VIF
Schiele, entre à 16 ans à l’Académie des Beaux-arts de Vienne mais le conservatisme de l’enseignement dispensé à l’Académie impatiente le jeune élève. C’est à cette période qu’Egon Schiele fait la connaissance de Gustave Klimt qui aura une influence majeure sur ses premières oeuvres. Grâce à la Sécession viennoise, il découvre les travaux de Van Gogh, Munch, Matisse, Bonnard ou Gauguin et se dégage rapidement de l’influence de Gustave Klimt.

En 1909, il fonde avec quelques amis le Groupe pour le Nouvel Art (Neukunstgruppe). En quelques années, son dessin s’est imposé comme l’un des sommets de l’expressionnisme. Ses peintures radicales où l’érotisme de ses nus, dont les poils marquent la crudité, scandalisent la si conservatrice société viennoise. Il est l’un des artistes les plus provocateurs de Vienne. Son union libre avec Wally Neuzil choque. Il ira en prison en 1912 pour “diffusion de dessins immoraux” pour être libéré 24 jours plus tard. Son œuvre est fascinante par la distorsion des corps qu’elle propose, l’introspection, l’expression frontale du désir et du sentiment tragique de la vie. Fauché par la grippe espagnole en 1918, l’artiste aura réalisé en une dizaine d’années quelque trois cents toiles et plusieurs milliers de dessins.


JEAN-MICHEL BASQUIAT, LA FUREUR DE PEINDRE

De père haïtien et de mère portoricaine, Basquiat est né en 1960 à Brooklyn. Sa mère l’encourage à développer son interêt pour l’art et la création. À 8 ans, il est renversé par une voiture alors qu’il joue au ballon dans la rue. Hospitalisé un mois, sa mère lui offre, pour passer le temps, le manuel “Gray’s Anatomy” (non, pas la série !) qui l’influencera tout au long de sa courte vie pour les dessins anatomiques de ses oeuvres à venir. À 16 ans, il rencontre Al Diaz avec qui il réalise, pendant environ trois ans, des graffitis sous le pseudonyme SAMO (“Same old shit”). Pour vivre, Basquiat vendra des tee-shirts et des cartes postales peintes à la main. 

On retrouve dans ses oeuvres, pêle-mêle : le jazz, les yeux, les dents, les cicatrices, les gants et shorts de boxe, l’argent,  la lutte anti-capitaliste, la lutte pour améliorer la condition des Noirs, le vaudou, les croix et autres signes ou références bibliques, l’accumulation de mots et de phrases faisant notamment référence aux matières premières et à leurs coûts, aux différences de salaire moyen selon les états etc…

Basquiat fut l’ami de Keith Haring, Francesco Clemente et d’Andy Warhol; il fut le plus jeune artiste à participer à la Biennial Exhibition du Whitney Museum of American Art. Il vécut à New York, Porto Rico, Hawaï où il tenta même de soigner sa toxicomanie. Basquiat fut un Artiste engagé, concerné et concernant. On n’aime ou on n’aime pas mais on ne reste pas indifférent !

Trente ans après sa mort, en août 1988, à 27 ans,, par overdose ou officiellement, “intoxication médicamenteuse aigu” (who knows?), La Fondation Louis Vuitton lui rend un hommage poignant. Cent vingt œuvres, essentiellement des tableaux de grand format, sont présentées, prêtées par des institutions et surtout par de riches collectionneurs privés dont Bernard Arnault, le président de LVMH et de la Fondation, qui possède plusieurs toiles de l’Artiste. L’exposition parcourt, de 1980 à 1988, l’ensemble de la carrière du peintre . Elle s’ouvre sur les Heads, trois têtes géantes, pour la première fois réunies. Dont celle du crâne à la bouche hurlante sur fond bleu vif achetée pour plus de 100 millions d’euros par le milliardaire japonais Yusaku Maezawa (New York, 2017). On y découvre plusieurs collaborations entre Basquiat et Warhol, des toiles rarement vues depuis leurs premières présentations du vivant de l’artiste telles que  Offensive Orange (1982), Untitled (Boxer)  (1982), et Untitled (Yellow Tar and Feathers)  (1982). Ou encore des travaux essentiels tels que Riding with Death (1988),

Une rétrospective qui met en exergue sa dimension d’artiste majeur ayant radicalement renouvelé la pratique du dessin et le concept d’art. Sa pratique du copier-coller a frayé la voie à la fusion des disciplines et des idées les plus diverses. Il a créé de nouveaux espaces de réflexion et anticipé, ce faisant, notre société Internet et post-Internet et nos formes actuelles de communication et de pensée. L’acuité de son regard, sa fréquentation des musées, la lecture de nombreux ouvrages lui ont donné une réelle culture. 

 

Fondation Louis Vuitton
8, avenue du Mahatma Gandhi, Bois de Boulogne, 75116 Paris

 

PRATIQUE
Venez en baskets, l’expo Basquiat se déploie sur 4 niveaux
– Pour déjeuner sur place, comptez entre 50 et 75 € par personne
– Si vous êtes sous anxiolytiques, préférez le Jardin d’Acclimatation