Du 9 au 12 janvier à Val d’Isère, à l’occasion de la 9ème édition des Napoleons, il a été question de Progrès. Aujourd’hui, associé aux urgences climatiques, sociales, économiques et politiques, le progrès est un concept en crise. D’ailleurs, on ne parle plus de progrès mais d’innovation. Substituer l’un à l’autre n’est pas anodin. Non le futur, ce n’était pas mieux avant. “Parler de progrès, c’est parler d’humanité. C’est permettre de comprendre pourquoi on veut créer de la valeur” expliquent Mondher Abdennadher et Olivier Moulierac, fondateurs des Napoleons. Progrès social et liberté, progrès environnemental, santés et mobilités à l’heure de l’IA… Le futur peut être le ferment du meilleur. Pour y réfléchir la parole est donnée aux chercheurs, philosophes, intellectuels, activistes, scientifiques, entrepreneurs, politiques et technophiles.  Action.

Les Napoleons ? C’est un sommet…
Depuis 2015, les Napoleons se réunissent deux fois par an autour d’un thème central. En janvier à Val d’Isère et en juillet, à Arles. Il s’agit de sommets de trois jours rythmés par des workshops et keynotes propices aux réflexions de fond, aux rencontres, au réseautage et au business.

Les Napoleons ? C’est un réseau !
Il s’agit du premier réseau social professionnel à la fois physique et numérique, qui rassemble les acteurs de l’innovation et de la transformation numérique, des entrepreneurs et des chercheurs mais aussi des politiques, des philosophes, des artistes. Objectif : casser les silos et arrêter de penser en rond. 

Qui est derrière ce réseau ?
Deux amis : Mondher Abdennadher et Olivier Moulierac.

“On ne voulait pas d’un réseau social à la Valley, nous sommes des êtres sociaux et les technologies doivent contribuer à recréer du lien” expliquent Mondher Abdennadher et Olivier Moulierac.
De gauche à droite : Mondher Abdennadher, Barack Obama et Olivier Moulierac.  En juillet 2016, ils avaient convaincu François Hollande de se rendre au sommet de Arles et en décembre 2017, c’est l’ex-président américain, Barack Obama, qui intervient en session introductive sur le thème de la Peur. ©Getty Images

VAL D’ISÈRE 2019, MES COUPS DE CŒUR
Le coup d’envoi est donné par le député et mathématicien Cédric Villani, médaille Fields 2018 (équivalent du Nobel en mathématique). En question l’IA (intelligence artificielle), aujourd’hui l’objet de tous les fantasmes, positifs et négatifs. Progrès vs Innovation, la parole est au physicien (directeur de recherche au Commissariat à l’énergie atomique) et philosophe, Étienne Klein. Non le futur ce n’était pas mieux avant ! Croire au progrès, c’est penser que le futur n’est pas immuable, c’est considérer que le négatif est relatif, qu’il peut être “le ferment du meilleur” et que l’âge d’or de l’humanité se trouve dans le futur. L’innovation en revanche ne comporte pas ce principe. Il est urgent de refaire du futur un projet collectif, c’est le défi qu’il propose. Et d’ajouter : “pour y parvenir, il faudra faire preuve de courage. Et de réalisme !

On n’arrête pas le progrès “L’expression a longtemps été pleine de promesses. Ça voulait dire qu’il ne fallait pas arrêter le progrès, puisque c’était quelque chose de bon. Aujourd’hui, l’expression est connotée différemment. C’est devenu un jugement pratique : nous n’avons plus les capacités à changer le cours de l’Histoire, nous avons perdu la maîtrise. Tout ce qui se passe échappe à nos désirs et aux volontés que l’on pourrait y projeter” nuance Étienne Klein.
ÉTIENNE KLEIN

“Si les océans meurent, nous allons mourir aussi”, déclare Paul Watson co-fondateur de Greenpeace, puis de Sea Shepperd Conservation Society, lanceur d’alerte infatigable convaincu que le progrès environnemental ne peut se contenter d’actions consensuelles. “Il n’y a que trois vertus qui peuvent changer le monde. L’imagination, la passion, et le courage” conclue-t-il. Alors, pour changer le monde faut-il être utopiste ? Dans le vrai sens du terme souligne Sandrine Roudaut (conférencière, essayiste). Être radical, c’est être ambitieux, ne pas accepter les transitions molles ! 

“Est-ce qu’aujourd’hui, on imaginerait une “transition esclavagiste” ? Non.
À enjeu vital, changement radical. On n’adoucit pas le système, on le change. En 2016, une étude de Santé Publique estimait à 48’000 le nombre de personnes mortes à cause de la pollution chaque année. Si on n’est pas radical, on se donne quoi comme objectifs ? Un quota d’enfants asthmatiques ? On ne respire qu’un jour sur quatre pour consommer l’air de façon responsable ? C’est aussi inhumain, insensé que si les abolitionnistes avaient réclamé un esclavage “responsable” qui réduirait un peu les coups de fouet” argumente Sandrine Roudaut.
SANDRINE ROUDAUT

Se projeter dans le futur… quand déjà on n’assimile pas le présent ? Faire face à la cohorte des pessimistes en mal d’audace. Oui, rêver grand, c’est ambitieux, c’est avoir un idéal ! Celui de Boyan Slat, 24 ans à la tête de son ONG The Ocean Cleanup,  c’est de “retirer 90 % des déchets plastiques qui polluent les mers, d’ici à 2040”. En 2012, lors d’une plongée en Grèce où il observe plus de plastique que de poisson, Boyan a une idée de génie : pourquoi ne pas se servir des courants pour canaliser les plastiques, les concentrer dans une sorte d’énorme entonnoir, puis les extraire de l’eau ? Après 7 ans d’entêtement, plus de 20 millions d’euros levés, 273 maquettes… son projet titanesque a été déployé au large de San Francisco. Une longue digue en forme de U qui sur le dessous comporte des panneaux verticaux de 3 mètres de profondeur qui bloquent les déchets sans pour autant gêner le plancton, les poissons et autres éléments essentiels à la vie aquatique. Un projet soumis à des aléas techniques… Au scepticisme de certains scientifiques, auxquels il oppose son enthousiasme et sa confiance !

BOYAN SLAT

Parmi les menaces qui pèsent sur le progrès et sa répartition équitable sur la planète, la question alimentaire demeure essentielle. Gastronomie et goût du futur… Et si les insectes étaient la source de protéines indispensables à notre survie. Un challenge relevé par Afton Halloran et Roberto Flore (chef de cuisine et Manager du Food Lab du DTY Skylab, l’une des universités les plus innovantes au monde). Transformer le monde collectivement nécessite à apprendre à progresser intérieurement, souligne Anahita Moghaddam (coach de développement personnel). Le progrès commence par la connaissance de soi, inspirée par cette quête spirituelle et ses pratiques millénaires et multiculturelles. Et en ce qui concerne les discriminations ? Pour Pascal Blanchard (chercheur au CNRS), Raphael Laugier (sociologue) et Tania de Montaigne (journaliste et auteure), le progrès c’est aussi lutter contre celles qui commencent souvent dans notre propre regard quand on parle de couleur de peau, de genre, de pratiques religieuses ou d’orientation sexuelle. 

PIERRE FOLDES

Le progrès, c’est aussi s’engager dans la lutte contre les mutilations sexuelles faites aux femmes et l’occasion de soutenir le docteur Pierre Foldes dans son combat contre l’excision (chirurgien, urologue, il a contribué à rendre réversible les dommages de l’excision, fondateur de l’institut Women Safe). En 25 ans, il a opéré et réparé plus de 6’000 femmes venues de France et d’ailleurs. Il incarne ce que le progrès de la médecine peut faire pour améliorer le sort de l’humanité.

Les Napoleons… C’est une expérience qui agite les neurones et ça fait un bien fou. On y échange des idées et de la connaissance. On ne revient pas des Napoleons exactement comme on y est venu. On en repart avec l’envie de poursuivre l’expérience. 

Alors… quand est-ce qu’on s’y met ? Le Progrès c’est maintenant !