“En trente-trois ans de vie, j’ai pu le constater : la plus grande réussite de mon père, c’est l’incarnation. Qu’une puissance désincarnée ait eu l’idée d’inventer le corps demeure un gigantesque coup de génie.” dit Jésus
L’Amélie Nothomb nouveau est arrivé. Court et efficace, comme tous ses romans. En lice pour le Prix Goncourt, Soif se concentre sur les derniers jours de Jésus. La Passion du Christ, de son jugement par les Romains à sa crucifixion, en passant par son long chemin vers le mont Golgotha. Écrit à la première personne, Jésus raconte, narrateur de sa propre histoire. Histoire universelle et archi-connue qui s’achemine vers une mort par crucifixion et une résurrection de son héros. “L’avantage de cette certitude, c’est que je peux accorder mon attention à ce qui le mérite : les détails”, dit Jésus au début du roman.
“J’ai revécu le premier miracle, mon préféré.”
Par le biais de l’anecdotique, Soif raconte ce qui échappe par essence aux évangiles canoniques. Jésus se souvient. Les mariés de Cana qui se sont plaint du vin miraculeux servi à la fin de leur repas de noces, les témoignages à charge des miraculés, guéris mais insatisfaits. Jésus nous éclaire sur sa relation amoureuse et charnelle avec Marie-Madeleine… De l’humain quoi ! “Je suis un homme, rien d’humain ne m’est étranger” confie ce Jésus, heureux d’être incarné.
“Je suis un homme, rien d’humain ne m’est étranger”.
L’incarnation, est précisément ce qui différencie Jésus de Dieu son père. Qu’est-ce qu’un homme s’il n’éprouve pas l’expérience du corps ? Dans cette crucifixion programmée par Dieu et acceptée par Jésus, la romancière voit avant tout un mépris du corps. Deux questions en découlent : comment cet acte de mépris est-il censé racheter les péchés de l’Humanité ? ; comment la crucifixion pourrait-elle être compatible avec le précepte “Aimez-vous les uns les autres comme Dieu vous aime” ? Amélie Nothomb excelle dans cet exercice de réécriture biblique. Divinement savoureux, plausible et polémique !
Soif, Amélie Nothomb, Albin Michel.
