Vous avez certainement écouté hier le discours de notre premier ministre en titre, Monsieur Édouard Philippe. Et voilà que je me suis revue dans les petites classes autant dire les classes de maternelle dans lesquelles on nous différenciait par la couleur de notre petit nœud épinglé sur la blouse. J’allais donc, à partir du 11 mai, entrer dans la classe “nœuds rouges” : autant dire la classe des mauvais élèves du Covid-19. Parce que dans la région parisienne, vous comprenez, nous n’avons pas bien travaillé, alors on est puni ! Au coin ! Au piquet ! On ne pourra pas s’éloigner de plus de 100 km de notre lieu de résidence. Union Nationale exige ! Mais mon associée, Isabelle qui habite et sévit à Cannes pourra, elle, porter le “nœud vert” et se faisant, aller et venir à sa guise !

Quid d’un département vert qui aurait des zones rouges ?

Comme le relate très justement le magazine L’Obs : “Les réalités de terrain ne s’arrêtent évidemment pas aux limites d’un département. Nous, les laboratoires des villes, nous avons des flux de patientèle parfois très inattendus : des gens viennent réaliser des prélèvements loin de chez eux, parfois au-delà du département. Surtout dans les zones où l’on compte comme… à Tours, par exemple, un laboratoire tous les 40 kilomètres… Il aurait été infiniment plus judicieux de présenter un découpage entre les foyers urbains denses où les risques de contamination sont plus élevés… et les zones plus rurales, où ces risques sont plus faibles”.

Donc, revenons à nos moutons : si je change de blouse ou que je me balade avec la même blouse mais avec un nœud vert au lieu d’un nœud rouge, je peux aller à Marseille ou à Cannes ?  Ouais ! En bref, il suffirait d’être un peu filou pour se faire la malle de l’école maternelle. Mais, bien sûr, nous ne le ferons pas car maman risque de s’inquiéter, quoique… En plus des couleurs, il parait qu’il va y avoir des brigades.

Des brigades du tigre !

“Monsieur Clémenceau Lalalala lalalala la la la lala !…” vous souvenez-vous de cette série télé de notre enfance avec son générique si emblématique ? Nous aurons donc des brigades pour identifier les cas contacts. Autant dire que cette terminologie me rappelle des très mauvais moments de l’histoire de France. D’ici à ce qu’ils nous envoient dans des camps de concentration parce que, affublés d’un ruban rouge, on a voulu passer en zone libre, il n’y a qu’un pas. Je comprends et accepte la démarche : le covid doit être anéanti et comme, ces vingt dernières années, nous avons voulu faire des économies à tous prix, nous n’avons pas de masques, pas de gels, pas de lits dans des services de réanimation bien équipés et prêts à agir etc, etc, etc…

Mais quant au ton employé, je ne peux ni ne veut y adhérer

Car, ne vous en déplaise Mon Cher Édouard, nous ne sommes pas complètement demeurés et nous vous saurions gré de ne pas nous considérer comme tels ! Nous avons accepté le confinement. Nous nous y sommes pliés avec rigueur sauf, bien sûr, les trois quatre zozos qui aiment à se faire remarquer. Nous nous plierons également au déconfinement progressif et justifiable.

Mais, ce ne sont pas nous les mauvais élèves. Alors, arrêtez de nous traiter comme si nous étions encore à l’école primaire et apprenez plutôt à gérer vos stocks et vos défaillances.

Non, la France n’est par une start-up !

Et oui, votre idée de la start-up nation a atteint ses limites. Oui, le “et en même temps” peut être dangereux car il ne prend pas suffisamment en compte le critère humain. Oui, vous avez été suffisants et insuffisants comme vos tests et vos masques d’ailleurs ! Certes, je n’ai pas fait l’ENA. Dommage ça aurait tellement plu à mes parents… mais je sais, depuis longtemps, que gouverner c’est prévoir. Certes, nous ne sommes pas vraiment en guerre mais nous avons fait l’objet d’attaques terroristes inédites et nous devrions avoir des masques en cas d’attaques bactériologiques tellement redoutées et si fréquemment annoncées. Logique non ?

Alors, on ne vous reproche rien (quoique !)

On est solidaires mais on aimerait bien que vous nous respectiez en nous faisant le cas échéant, passer directement de la maternelle au cours préparatoire. Nous pourrions y apprendre la notion de “clusters” ou “foyers d’infection” et peut-être même trouver des solutions inventives et pérennes pour casser les chaines de contamination et éviter le rebond de l’épidémie après déconfinement. Si on cherche, on trouve et si on ne trouve pas, on s’adapte, on s’arrange, on fait avec.

On peut notamment faire confiance à l’intelligence du petit peuple non initié (PPNI) ou, à défaut, à son sens inné de la débrouillardise et de la survie.

Et, comme le disait si bien Nicolas Boileau, “ce que l’on conçoit bien, s’énonce clairement et les mots pour le dire arrivent aisément”.

RDV au “Café du Commerce”

Moi, perso, le plan sur le déconfinement, je n’y ai rien compris. Bon, je dis ça, je dis rien ! Je ne voudrais surtout pas être désagréable. Je préférerai être utile mais à trop tourner autour de mon lit pour faire sourire mon podomètre (application qui compte les pas), je crois bien que je commence à m’étioler, lentement mais sûrement. Alors, à défaut de pouvoir agir ou réfléchir, gardons au moins le droit de critiquer ; encore un peu Monsieur Édouard s’il vous plait !

Et, pour ce faire, rendez-vous “au café du commerce”, sur internet, sur votre balcon ou de votre fenêtre, pour prendre de la hauteur et passer dans la classe supérieure !

Photo : courtesy ©Columbia Pictures, Marie-Antoinette de Sofia Coppola