L’acropole a ouvert en Grèce mais pas le Louvre à Paris. Le Bon Marché ou le BHV ont ouvert, mais pas les Galeries Lafayette ou le Printemps : question de dimension ! La planète mode est déconfinée, mais pas dans ses vitrines ni sur ses portants, tout est resté en l’état, immobile, figé ! On se croirait fin février !

Distanciation, l’esprit français de convivialité est mis à mal

Avenue Montaigne, les boutiques ont rouvert mais plus de “petit” café Monsieur ou de “coupe” de champagne Madame servi aux  clients pour les “aider” à mieux dépenser et faire sauter leurs dernières résistances à l’achat. Plus de proximité ou de cocooning au sein des espaces VIP sauf à prendre rendez-vous comme sur Doctolib. La donne a changé ! Et même si je rêve d’une dose de caféine dans mon organisme, impossible de l’obtenir du fait des nouvelles mesures d’hygiène ! Il va falloir s’habituer.

Vous nous avez tellement manqué

Le protocole d’accueil est optimisé en termes sanitaires mais minimaliste en termes de service client. Masques et gel sont obligatoires à l’entrée du magasin et de chaque stand ou corner et une régulation stricte des entrées et des sorties de clients a été organisée, fléchée, détaillée dans une charte de bonne conduite ayant pour seul objet de nous protéger. Le service “sécurité” est sur la brèche. Pas question de faire prendre le moindre risque à notre chère clientèle bien aimée : “vous nous avez tellement manqué, Monsieur, Madame”.

La clientèle française si longtemps délaissée se retrouve en front row des compliments et invitations. Ça fait du bien ! Tellement de bien !

Des soldes ? Pas de cela chez nous

Alors, j’arpente de grands espaces désœuvrés en manque de clients. Si pas de soldes, pas de vente ! Un dilemme pour le luxe qui tend à uniformiser sa politique en supprimant purement et simplement les soldes. Question de pérennité ! Les soldes sont désormais, dans la plupart des marques standing, bannis, répudiés. Le seul mot de “soldes” semble sonner comme un gros mot, une insulte. Pas de cela chez nous !

Côté Ambiance, les magasins de luxe sont ternes. Les habits suspendus ont un air de “déjà vu”. Ils se balancent sur des cintres en bois flambant neufs et ils s’ennuient ; ils s’ennuient tellement , trop bien rangés qu’ils sont par couleurs ou par thèmes. On sent qu’ils n’ont pas été touchés voire même désirés depuis bien longtemps.

Normal ! Ce sont ceux de la collection croisière 2020 : ceux du début du mois de janvier avec des tissus déjà trop chauds pour cette fin de printemps. Du tweed, de la maille, des stretch épais. Rien de nouveau !

L’été n’est toujours pas arrivé en rayons

À cause de la pandémie et de cette putain de mondialisation à tout prix, l’industrie de la mode s’est arrêtée de produire : alors pas ou peu de garde-robe d’été. Tout est figé dans un entre deux pesant. Malgré une température de 25 degrés, un soleil et un ciel bleu d’une arrogance infinie, les flagships des marques de luxe sont dans l’attente des nouveautés. Une fois de plus, ce sont les accessoires qui risquent de leur sauver la mise ! Les chaussures, les sacs, les paniers, la petite maroquinerie, les étuis d’iPhones, les foulards… sont les guerriers de première ligne qui devront sauver le sacrosaint chiffre d’affaires des enseignes de luxe. À eux donc de sauver les Chanel, Hermès, Dior , Celine et consorts !

Descente au Bon Marché

Au Bon Marché, suivez la ligne blanche : une seule entrée ; plusieurs sorties. Les TBM (Très Bon Marché) battent leur plein. Ce sont La Grande Épicerie, le département décoration/éléments de cuisine et les petits ou nouveaux créateurs abondamment soldés qui rencontrent le plus de succès. Et bien sûr, les gens se dirigent vers la librairie et slaloment entre les livres sans oser les toucher.

Chez Yves Salomon, le vendeur me dit que je suis sa première cliente de la semaine. J’essaie mais aucune envie de rien. Trop chaud. Trop cher. Pas adapté. Toutes les marques de luxe semblent décalées de façon inédite. Chez Louis Vuitton, qui remet à ses meilleurs clients une mini bouteille de champagne Moët cuvée 2020 (ça sent le collector !), des touristes chinois masqués (tiens, au fait, qu’est-ce qu’ils font là ?) montrent leurs desiderata sur leur smartphone dernier cri. Ne pas déroger à leur liste d’envies dont le smartphone se fait l’écho sinon vous risquez de les agacer considérablement.

Le luxe trop cher pour la clientèle française ?

Et de me dire : heureusement qu’ils sont là toujours en manque de luxe et de dépenses inconsidérées pour faire marcher le business. Les français, eux, sont des clients plus difficiles. Question de pouvoir d’achat ! Question de changement de priorités, de manque de projection et de peur du futur ! Question d’habitude aussi : les français dépensent, désormais et depuis plusieurs années, de façon plus sélective, en premier lieu pour leurs loisirs et leur intérieur. Mais là, ils ont surtout dépensé pour manger frais, bio, fait maison. Ils ne savent pas encore vraiment s’ils pourront partir en vacances et si oui, s’ils en auront les moyens. Les vacances hors de France leur sont pour l’instant interdites. Alors, à quoi bon ?

Se rabattre du main stream

Et, en ce qui concerne la mode, la française, très demandeuse de petites marques hippy- chic, branchées mais moins onéreuses telles Cézannes ou See by Chloé ou Nanushka, n’aime pas payer le prix plein ce qu’elle risque de trouver, dans un ou deux mois, à un prix remisé. Ça se comprend, non ?

Autre effet de la pandémie : cette année, il n’y aura pas (ou très peu et en petit comité) de mariages et c’est un autre pan de la consommation qui tombe. Pas de robes cocktail. Pas de sacs du soir, clutches ou pochettes glitter. Pas de chapeaux pour la belle-mère ou les témoins.

Louis Vuitton, Gucci… L’été fin juin, enfin !

Mais, en même temps, pas de panique dans la planète mode et chez les happy few du luxe ! Peut-être est-ce présomptueux ou faux mais ces derniers répètent à l’envie que la collection “été” sera disponible fin juin en faisant mine de ne pas réaliser que c’est tard, très tard , fin juin! Vraisemblablement trop tard pour les fashion victims parisien(ne)s. Tant pis, on fait comme-ci !

Parce que l’on sait tous que les marques dans le giron des grands groupes ou solidement implantés et internationalement reconnus (LVMH, Kering, Chanel, Hermès) ont le temps d’attendre. Et puis, il y a l’attractivité des marques françaises ; l’ADN français si profondément désiré qui fait que Chanel restera toujours Chanel ! Qu’Hermès restera toujours Hermès ! Que Vuitton restera toujours Vuitton !

Alors si le luxe 2019 est mort , vive le luxe 2020 !

Plus éthique, plus local et considérablement plus écoresponsable. Ce n’est qu’à ces conditions que le luxe s’adressera à nouveau à des consommateurs français ou européens plus renseignés et avisés que jamais. Il reste la fantaisie à la française ; l’âme du luxe français ; l’esprit de Coco Chanel ou de Christian Dior ; ce petit “ je ne sais quoi” qui rend la French Touch irremplaçable car tellement désirable !

Vini, vidi, vici ! En avant pour la victoire du luxe français sur une pandémie qui nous aura figés.

Photo d’ouverture © Gabriel de la Chapelle