Pour tous ceux qui sont nés dans les années 60, ces films sont les films de notre enfance. En 1974, j’avais dix ans. Alors revoir aujourd’hui sur les écrans de notre confinement ces films des années 70 me met dans un état nostalgique intense. Pas vous ?

C’était la fin des années Pompidou et le début des années Giscard. Dans mon souvenir, c’était le temps de l’insouciance, des petits bonheurs simples, de la vie facile, des acteurs au charisme incroyable. Et pour certains à la voix si reconnaissable. Et même si je tombe dans la facilité du “c’était mieux avant”, je l’assume. J’ai adoré ces années où, avec une nostalgie non dissimulée, j’ai l’impression que nous étions plus libres. Nous allions, en famille, au cinéma voir les Films de Claude Sautet dans lesquels se reflétaient si bien la liberté de s’aimer, de se quitter, de boire, de fumer, de se disputer.

Vous souvenez-vous de Yves Montand et Romy Schneider dans César et Rosalie ?

Je profite du confinement pour retrouver les figures de mon enfance : les Alain Delon, jean Gabin, Lino Ventura, Catherine Deneuve, Marie Laforêt, Annie Girardot, Mireille Darc et tant d’autres… Avec bien sûr une mention spéciale accordée à Louis de Funes qui nous a tant fait rire. Aujourd’hui encore, il semble être resté le meilleur anti dépresseur pour les français. On a eu droit sur France 2 à la Grande Vadrouille, L’aile ou la cuisse, Rabbi Jacob. Sur d’autres chaînes aux Gendarmes et à La Septième Compagnie. Ce n’étaient pas des films d’auteur, du style film coréen ayant été primé à Cannes, mais c’étaient des films populaires, familiaux, rigolos que toute la société française s’était appropriés.

Certes, il y avait des nanars mais eux aussi nous réunissaient. Nous partagions, de manière jouissive, les dialogues nullissimes et les situations cocasses. Et aujourd’hui, les chaînes télé l’ont bien compris. En rediffusant, avec succès, les best of de notre patrimoine culturel de ces années, ils prennent bien soin d’éviter les films trop violents ou trop angoissants.

Ce succès  environ 5 millions de téléspectateurs par film) rencontré par la diffusion des films des années 70 est-il révélateur d’une nostalgie ? D’un temps passé où il faisait bon vivre en France. Et où, malgré la crise du pétrole, les gens consommaient avec modération mais s’achetaient des maisons secondaires ? D’un temps où l’humour était autorisé sans risquer de froisser telle ou telle communauté ethnique, raciale, religieuse ?

Quel Claude Zidi pourrait aujourd’hui écrire “Salomon , vous êtes juifs”  sans se retrouver cloué au pilori du politiquement correct et du respect des minorités ? Aucun ! Cette époque est révolue. C’était l’époque d’une France unie où s’adapter et s’intégrer n’était pas une option susceptible de débats ou de réflexions.

L’époque des pantalons pattes d’eph ( flare comme on dit aujourd’hui) et des petits pulls rayés aux couleurs vitaminées. L’époque où, à l’école, la religion n’était pas un sujet. On s’en foutait. On vivait tous ensemble dans un climat bon enfant d’acception et de respect de l’autre.

Cette époque, c’était celle de mon enfance. Et je réalise aujourd’hui que cela m’a tellement impacté que, par la suite, j’ai avancé dans la vie avec comme image de la beauté Delon, de la débrouillardise et de la gouaille Belmondo, de la virilité Ventura… Que j’ai grandi avec l’image du décolleté vertigineux de la robe longue de Mireille Darc dans Le Grand Blond avec une chaussure noire (robe signée Guy Laroche pour les initiés). J’ai grandi avec, dans la tête, les chapeaux jaunes des Demoiselles de Rochefort ou les chaussures Roger Vivier et les tenues de Catherine Deneuve dans Belle de Jour. Je me suis épanouie grâce à eux. J’ai rêvé grâce à eux. J’ai aimé grâce à eux.

Oui, j’ai aimé cette période exquise qui se confond avec l’enfance. Je goute aujourd’hui le temps qui m’est accordé par ce putain de virus pour retrouver les idoles de mon enfance sur les écrans de mon passé. Grace a eux, c’est un peu de mon enfance civique, laïque et simple que je retrouve.

Je m’en souviens bien. Nous avions tous les mêmes références et nous faisions société autour de ces personnalités qui reflétaient, quelles que soient leurs origines, l’harmonie d’une France apaisée et d’un pays où il faisait bon vivre ensemble.

Alors comme le chante Eddy Mitchell, “c’était ma dernière séance, c’était ma dernière séquence et le rideau sur l’écran est tombé”. Le rideau de la nostalgie, le rideau de l’enfance que parfois je réouvre légèrement pour retrouver, avec délice, les personnages de mon passé qui m’ont à jamais façonnée.

#stayathome