Dans l’inconscient collectif, le terme Barbie est aujourd’hui synonyme d’une incarnation cliché et superficielle de la féminité. Archétype de la blonde californienne, elle correspondait aux canons de beauté de son temps. Elle apparaît en 1997,  comme l’archétype de la femme-objet dans le tube planétaire “Barbie Girl” du groupe Aqua. “Je suis une fille Barbie dans un monde Barbie. (…) Je suis une bimbo blonde dans un monde de fantasmes. (…) Tu peux coiffer mes cheveux, me déshabiller où tu veux. (…) Fais-moi parler, fais-moi marcher, fais tout ce que tu veux (…)”. Mensurations irréalistes, Barbie a longtemps été poursuivie par cette image caricaturale de femme superficielle, riche et oisive, qui lui a valu d’incessantes critiques. Pourtant, au fil des années, Barbie n’a cessé de se démener pour féminiser de nombreux métiers réservés aux hommes, et rester au goût du jour, jusque sur les réseaux sociaux. Force est de constater que l’image véhiculée par Barbie est plus complexe qu’il n’y paraît. Elle est un miroir de son temps. 

RUTH ET ELIOTT HANDLER AU DÉBUT DES ANNÉES 60

1959 création de Barbie
Créée par Ruth Handler en 1959, cette poupée, grande, blonde, mince et très féminine avec des seins ne ressemble à aucune autre.”Barbie” (diminutif du prénom de sa fille), a pour mission de montrer aux petites filles qu’elles pouvaient devenir qui elles voulaient. “Ruth Handler souhaite faire de Barbie un modèle de jeune femme glamour et refuse que Barbie soit mariée ou mère de famille. Barbie s’inscrit ainsi en marge des rôles offerts aux femmes à cette époque, et certains craignent que la poupée ne remette en cause l’importance du rôle maternel pour les femmes. Barbie peut même incarner, à sa naissance, une alternative à l’image omniprésente de la femme esclave des corvées ménagères”, analyse Anne Monnier commissaire de l’exposition Barbie aux Musées des Arts Décoratifs.

Barbie, poupée émancipatrice 
Avec elle, les petites filles ne sont plus réduites à jouer à la maman avec des poupons et peuvent se projeter adulte dans d’autres rôles. “Dès le début des années 1960, Barbie a des carrières (infirmière, hôtesse de l’air, employée de bureau…), qui se diversifient au cours de la décennie (astronaute, professeur…). En choisissant leur poupée Barbie, les petites filles ont donc la liberté de choisir qui elles souhaitent être. Pendant longtemps, la cuisine ne fera d’ailleurs pas partie de l’univers Barbie. Et si depuis sa création, Barbie a eu plus d’une centaine de métiers, c’est surtout aux loisirs qu’elle est associée. Quand elle n’est pas à la plage, au ski ou au travail, Barbie dépense son argent en faisant du shopping… voulant véhiculer une certaine idée de l’indépendance. Barbie a même parfois su être en avance sur son temps en matière de libération des femmes.

Barbie, une poupée avant-gardiste
N’a-t-elle pas marché sur la lune dès 1965, quatre ans avant Neil Armstrong ? En 1968, alors que les États-Unis souffrent encore de la ségrégation raciale la première poupée type Barbie à la peau noire, tirée d’une série télévisée, est commercialisée. En 1987, après Marilyn Monroe, Liz Taylor, Jackie Kennedy, Michael Jackson… Barbie est élevée au rang d’icône américaine par le maître du Pop Art, Andy Warhol. Dès 1992, elle est candidate à la présidentielle, en jupon de tulle bleu certes, quand il a fallu attendre 2016 pour qu’un parti majeur aux États-Unis investisse une femme – Hillary Clinton – dans la course à la Maison-Blanche ! En 2003, elle mobilise les joailliers – Boucheron, Mauboussin ou De Beers comme de jeunes créateurs, dans un but caritatif au profit d’un programme pour l’enfance en danger de la Croix-Rouge. Commence une longue collaboration avec les plus grands de la mode. En 2004, à 50 ans, elle largue Ken pour un surfer. L’idylle ne durera que deux ans… Ken revient officiellement le 14 février 2011 dans la vie de Barbie à l’occasion de la Saint-Valentin. En 2014, elle s’engage pour la lutte contre le cancer. Mattel produit une poupée chauve, Ella, amie de Barbie atteinte d’un cancer. Ella est distribuée gratuitement aux enfants subissant une chimiothérapie et perdant leurs cheveux. Depuis 2016, Barbie se décline avec de nouvelles corpulences (menue, ronde, grande), ce qui lui vaut la Une du magazine Time.  Il faudra attendre 2017, pour que la Charte sur les relations de travail et le bien-être des mannequins, proscrivant en outre la aille 32 ne soit adoptée par les géants de la mode. 

Barbie, une poupée inspirante
La ligne “Inspiring Women” immortalise des femmes émancipées. Parmi elle, on retrouve :  Katherine Johnson la première afro-américaine à intégrer les programmes aéronautiques et spatiaux de la NASA, la gymnaste américaine Gabby Douglas, Ibtihaj Muhammad – première escrimeuse et athlète voilée à représenter les États-Unis, la peintre mexicaine Frida Kahlo, la danseuse étoile chinoise Yuan Yuan Tanla, la capitaine de l’équipe de football italienne Sara Gama, la championne de snowboard américaine Chloe Kim et la cinéaste Patty Jenkins. Côté star française, la cheffe étoilée et mondialement connue Hélène Daroze a eu le droit à sa poupée. En février, Mattel (qui commercialise Barbie) a annoncé une collaboration avec National Geographic. Ainsi, on pourra se procurer les premières Barbie biologistes, astronomes ou journalistes photo. 

Barbie, influenceuse sur les réseaux sociaux
Barbie a également investi massivement les réseaux sociaux. Et oui, à 60 ans on peut être geek ! Son compte Instagram totalise 1,3 millions d’abonnés alors que @barbiestyle dépasse les 2 millions. Elle a même son compte Twitter @barbie.

BARBIE x NATIONAL GEOGRAPHIC

Et pourtant Barbie ne fait plus recette
Fin 2014, elle a d’ailleurs perdu son premier rang sur la liste des souhaits de cadeaux des petites filles. Sa concurrente, sans doute la plus menaçante est Elsa, l’héroïne de La Reine des neiges, dernière poupée de la collection Princesses Disney. Face à la baisse drastique des ventes, Mattel a certes lancé de nouveaux modèles, de nouveaux engagements… Mais cette révolution suffira-t-elle à remettre Barbie sur les rails ? Parce que dans le fond, non Barbie n’est pas une écervelée superficielle…