Lundi 30 mars 2020. Je me réveille mal dans ma peau, mal dans mes rêves. Au fond de moi, il y a cette petite voix égoïste, mais sincère qui chuchote “Je veux reprendre ma vie d’avant. Celle d’avant le confinement“. J’appelle une amie. Au bout du fil…

J’appelle mon amie, ma complice

J’appelle Isabelle, mon amie, ma complice de tous les jours, pensant qu’elle va me sermonner et surtout me remonter le moral. Manque de bol : elle n’est pas d’humeur. Elle est en mission plomberie, afférée à déboucher ses toilettes qui ont une fâcheuse tendance à se boucher tous les 3 mois. Une histoire de pente trop faible ou de tuyau coudé qui n’a aucun intérêt. Je l’imagine armée de gants Mapa 😂et de sacs poubelles dont elle se sert pour faire appel d’air. Une technique qu’elle apprise à ses frais d’un plombier (80€ de déplacement et tout autant d’intervention)… Elle aussi, commence à grimper aux rideaux. Non par jouissance exacerbée (dommage, je vous aurais tout raconté !) mais par envie de retrouver sa colline, ses arbres, ses conversations avec les rottweilers de son quartier qui ne sourient qu’à elle. Pour celles et ceux qui n’auraient pas l’info, Isabelle a quitté Paris, il y a trois ans. PS : elle y revient pour nos rdv boulot (et s’y encanailler, LOL). En dehors de cuisiner, les tâches ménagères ne l’épanouissent pas (c’est con pour quelqu’un qui aime autant l’ordre et la propreté !)

J’en profite quand même pour me plaindre

J’en profite quand même pour me plaindre (un peu) de ma condition de “confinée” parisienne ; du fait que je n’aime pas que l’on restreigne “ma liberté d’aller et venir”, qui est un droit fondamental et inaliénable, même si au vu du contexte, j’approuve et respecte les mesures de confinement. Je reste chez moi ! Et supporte mon mari hyperactif l’après-midi (heureusement le matin il continue de fréquenter son bureau). Malgré tout, je poursuis ma complainte du fait que je ne suis pas une femme d’intérieur, mais une femme d’extérieur… que même si Jean-Jacques Rousseau a dit de la liberté que “L’obéissance à la loi qu’on s’est prescrite est liberté”… moi, je n’en ai que cure ce matin. Je voudrais jour 14 du confinement retrouver ma liberté, précisément mes habitudes à moi, mon train-train à moi.

Allo… 

Et là, au bout du fil, je m’entends rétorquer d’un ton ferme et humour noir sans retenue. “Sortir ? Que veux-tu voir dehors Danielle ? Faire le constat que le monde extérieur auquel tu fais référence n’est plus, jusqu’à une date indéterminée. Dehors ?! Le covid-19 nous a réduit à néant tout ce qui n’est pas essentiel. Rien, nada, ничего…”

Ping-Pong conversation

IG Mais qu’est-ce que tu vas foutre dans ta Mini décapotable, dans un Paris inerte, toute pomponnée, avec ton brushing “wavy” et ton maquillage presque parfait.

DN (OK, j’ai toujours l’eyeliner plus épais d’un côté que de l’autre… et le trompe-couillon – pour les parisiennes, la Terracotta de Guerlain – trop présent et mal positionné).

IG Et si tu allais au Bon Marché ! Y a quoi dans les vitrines ? Obsolètes ? Vides ? Peux-tu me dire ce que tu vois dans les vitrines du Bon Marché ?

DN Calmos ! Je peux te répondre ! Les dernières datent des TBM initialement “Très Bon Marché”, jours de remises censés se terminer le 25 mars. Oui, elles seraient devenues les “Très Bonnes Merdeuses” pour dénommer les connasses de mon genre qui rêvent à un monde de consommation désormais suranné.

IG Il est où le voiturier ? Danielle…  pourquoi n’est-il pas là ? Putain, mais le Bon Marché est fermé ! À qui vas-tu confier ta Mini… toute neuve ? Et cette Mini, que crois-tu ? Ton mec, enfin ton mari te l’a achetée pourquoi ? Hein ? (puisque toi, tu as un mari ! pffff)

DN (Je ris, même à l’insu de mon plein gré, je sais qu’elle va faire feu de tout bois, de façon méthodique et chirurgicale.)

IG Enfin Danielle ! Ce n’est pas neutre tous ces cadeaux. Tu sais que je suis pour la paix des ménages, mais ces cadeaux… si ce n’est pour acheter ses absences ou ses coups de gueule passés, c’est au moins pour indemniser tout ce qu’il va t’imposer pendant l’année à venir. Et surtout pour avoir la paix !

 Bourgeoise… Ça vous dérange ? 

La Mini, c’est comme les sacs de luxe, c’est une avance sur emmerdements. Et de me souvenir être allée voir l’excellent spectacle de Gustave Proust où toute la famille s’était tournée vers moi lorsque ce dernier avait déclamé sur la scène de la Comédie des Champs-Élysées des blagues sur les bourgeoises et leur appétence à recevoir des sacs de luxe. De la part de leurs maris qui voulaient juste qu’elles arrêtent de les faire chier ! Caustique mais réaliste le Gaspard Proust, passionné par un truc lié au réchauffement climatique : la défense du Sauternes et par “Les gens qui se lèvent pour pouvoir s’asseoir aux terrasses, c’est drôle !

C’est l’insomnie, sommeil cassé

Bande d’enfoirés va ! Puisque le Bon Marché est fermé, je ne renonce pas. Je me propose d’aller boire un café au Babylone, meilleure terrasse de Paris quand il y a du soleil, puis d’aller déjeuner au Voltaire. De parler avec Thomas, mon pote du Babylone, des parents et des enfants, puis de rigoler outrageusement avec Titou du Voltaire, car comme il dit : “quand Titou est là, tout va !”. Oui mais, il n’y a plus de Thomas ni de Titou. Tout est fermé. Mon monde s’est écroulé à moins que je ne les contacte sur Facebook ou Instagram pour rigoler à l’intérieur (dedans) mais surtout pour prendre de leurs nouvelles et que, pour une fois, j’apprenne à me la boucler.

À nos héros !

Urgentistes, médecins, infirmiers, aides-soignants pour qui tout est ouvert. Surtout la porte des urgences, de la maladie, du sacrifice, de la souffrance et même de la mort. Ils sont nombreux. Elles sont surtout nombreuses. Elles, ils ne sont pas les seuls. Chaque jours, chaque instant, toutes et tous relèvent leurs engagements. Éboueurs, caissières, pompiers, facteurs, agriculteurs, policiers, militaires, internet, facteurs, … et confinés…