Si comme Belphégor, le fantôme du Louvre, vous attendez depuis longtemps, qu’il se passe quelque chose d’intriguant dans le plus grand musée de Paris, réjouissez-vous. À l’occasion du cinq centième anniversaire de la mort de Léonard de Vinci, le Louvre, principal pourvoyeur et collectionneur des toiles, peintures et dessins, du maître de la Renaissance organise du 24 octobre 2019 au 24 février 2020 une grande rétrospective. Attention réservation obligatoire pour cette expo qui promet de battre des records de fréquentation.

Cette rétrospective qui a demandé plus de dix ans de travail avec, à la clé, un nouvel examen scientifique des tableaux du Louvre et la restauration de trois d’entre eux, nous permettra de mieux nous imprégner de la pratique artistique et de la technique picturale. À partir de documents d’archives, nous allons replonger dans l’univers et la biographie de l’artiste emblématique et énigmatique, de l’homme libre et rebelle, visionnaire et séducteur.

Un génie universel

Enfant illégitime, gaucher, végétarien, homosexuel, pédophile, fêtard, obsessionnel, visionnaire, franc-maçon, mathématicien, scientifique, astrologue, inventeur, féru de botanique, d’astrologie et de sciences occultes… Une seule certitude : c’était un véritable GÉNIE, un touche-à-tout qui aujourd’hui encore exacerbe tous nos fantasmes ! Autres temps, autres mœurs ! Léonard a même été accusé à 24 ans, sur délation, le 9 avril 1476, de “sodomie active en réunion”, ce qui aurait pu le conduire au bûcher s’il n’avait couvert par un ami de la famille de Médicis. Il s’agissait donc d’un procès politique plus que d’une question de mœurs.

La Belle Ferronnière (détail)

Un choix restreint mais significatif

Cette exposition nous permettra-t-elle de lever le voile sur Léonard ? Ne nous emballons pas. Seulement cinq tableaux iconiques seront exposés, même si le Louvre reste à ce jour le plus grand détenteur de de Vinci au monde. La Joconde qui ne sera pas déplacée pas pour des raisons de sécurité s’affirmera comme la pierre angulaire de l’exposition ; La Vierge aux Rochers ; La Belle Ferronnière ; Le Saint Jean-Baptiste et La Sainte Anne. Pour le reste, il s’agira de 22 dessins et de 120 œuvres diverses, peintures, sculptures, objets d’art, manuscrits de l’environnement de l’artiste issus des plus prestigieux musées et fondations du monde entier tels que La Royal Collection, la British Museum, la National Gallery de Londres, la Pinacothèque Vaticane, le Metropolitan Museum de New York, l’Institut de France.

La Joconde ou Mona Lisa est un des portraits les plus emblématiques de l’histoire de la peinture. Peint au XVIe siècle, il entra dans les collections de la cour de France pour enfin faire partie des œuvres exposées au Musée du Louvre en 1797.

Une beauté sensuelle et spirituelle

Et si la Joconde était un homme ? Et si, pour réaliser ce mystérieux sourire, Léonard s’était inspiré, de deux visages pour dessiner cet ovale gracieux avec ce petit air de “je ne sais quoi” entre satisfaction et sourire narquois. Selon l’historien d’art Silvano Vincenti : “Nous sommes en présence de deux modèles. Le premier modèle était Lisa Gherardini, dite Mona Lisa ou La Joconde. Le second modèle était… le jeune Gian Giacomo Caprotti, dit Salaï.” Autre thèse fantaisiste, “Mona Lisa” serait une anagramme de “Mon Salaï”, deux mots pour le même ensemble de lettres, à l’image de deux modèles pour un même tableau.

Portrait de Ginevra de Benci commandé par le diplomate Bernardo Bembo qui entretenait une liaison platonique avec la belle

Amant à la beauté androgyne

Salaï, c’est ce petit garçon, vêtu de loques, d’une dizaine d’années qu’il rencontre par hasard dans les rues de Milan. Pour quelques florins, le peintre obtient de son père de le prendre dans son atelier. Léonard de Vinci s’attache vite à celui qu’il surnomme affectueusement “petit diable”. Il le forme et en fait un de ses disciples. En grandissant, son protégé affiche une troublante beauté androgyne, qui va inspirer le peintre. Très proche de son maître, l’assistant va rester vingt-cinq ans à ses côtés. Disciple, ami, sans doute amant et muse, Salai entretient avec Léonard une relation pour le moins ambiguë.

En tête-à-tête avec la Joconde

Grâce à cette exposition et à la réalité virtuelle, la Mona Lisa nous révèlera des secrets : en enfilant un casque, on pourra observer les plus petits détails de cette toile et la contempler au plus près. Un tête-à-tête époustouflant et inédit, surtout quand on connait le monde de personnes qui s’amassent dans le Louvre pour la prendre en photo de loin. Ce qui est merveilleux et extrêmement excitant, c’est que l’on touche au mythe sans jamais le démasquer !

Alors qu’une association de défense du patrimoine ne voulait pas que le célèbre dessin de Léonard de Vinci quitte l’Italie, le tribunal administratif de Vénétie a donné son aval pour qu’il soit prêté au Louvre.

Tempête à l’italienne

Finalement, c’est avec l’Italie que l’on trouve de quoi se mettre sous la dent au niveau “révélations et suspense”. Le deal de départ était le suivant : le ministère de la culture italienne et le Louvre ont signé un accord qui stipule l’échange d’œuvres de Léonard de Vinci contre celles du peintre Raphaël. En vertu de cet accord, Rome devait prêter au musée parisien cinq œuvres de Léonard pour la grande exposition du Louvre. Outre le célèbre Homme de Vitruve (conservé à la Galerie de l’Académie à Venise), quatre dessins doivent faire le voyage (Étude de paysage, Étude pour l’Adoration des Mages, et deux Études de paneggio) ainsi qu’une dizaine d’œuvres prêtées par divers musées italiens.

En retour, des peintures et dessins de Raphaël devaient être prêtées prêtés à l’Italie pour l’exposition qui lui sera consacrée au musée du Quirinal à Rome en mars prochain. Il est vrai que les italiens ont traîné les pieds. Le précédent gouvernement italien, dans lequel la Ligue du Nord de Matteo Salvini avait un poids prépondérant, avait renâclé à prêter les œuvres et marqué sa mauvaise humeur au sujet de l’exposition du Louvre. Il avait insisté sur le fait que De Vinci, mort il y a cinq cents ans, était d’abord italien, même s’il avait vécu les trois dernières années de sa vie en France.

Annonciation (détail), tableau de jeunesse longtemps attribué à Ghirlandaio;

Relations ombrageuses entre Rome et Paris

Et voilà que, patatras, la justice italienne et en particulier le Tribunal administratif régional (TAR) de Venise a suspendu mardi dernier l’autorisation de sortie du territoire de l’Homme du Vitruve (dit “Manpower” pour les intimes ou plutôt les incultes !). Selon l’association Italia Nostra, instigatrice de l’assignation, le prêt d’autres œuvres est lui aussi menacé. Le 16 octobre prochain, le TAR de Vénétie saisi par cette association de défense du patrimoine italien au motif que ce prêt constitue, selon elle, une violation du code des Biens culturels devra donc se prononcer sur ce cas.

Dans un communiqué, le ministère italien de la Culture a jugé “incompréhensible” la suspension du prêt décidée par le tribunal administratif. Il assure que l’échange a été décidé “selon les règles spécifiques de sauvegarde (des œuvres) édictées par les musées”, ce qui apparaîtra avec “clarté et transparence” lors de l’audience du 16 octobre. Le suspense Léonard de Vinci reste entier.

La Cène, détrempe sur enduit de plâtre, église Santa Maria delle Grazie de Milan

Le fantasme perdure

En attendant, on peut toujours continuer à s’interroger sur la vie du Maître et en débattre à l’infini quitte à fantasmer à profusion. Léonard, c’est l’homme ? C’est l’œuvre ? Les deux bien sûr. C’est surtout une source inépuisable de fantasmes, de théories et contre-théories. Alors l’exposition rétrospective Léonard de Vinci au Louvre : on y court et on débriefe après ! Toutes les thèses sont acceptées. Il suffit juste d’y croire.

Exposition Léonard de Vinci
du 24 Octobre 2019 au 24 Février 2020